sexta-feira, 5 de agosto de 2011

Positivisme juridique et Nouvelle Évangélisation - par Mgr Michel Schooyans

par Mgr Michel Schooyans, Professeur émérite de l’Université de Louvain

Il y a deux grandes façons de concevoir les droits de l’homme. La première de ces conceptions se situe dans la tradition réaliste ; la seconde dans la tradition nominaliste. La même déclaration de ces droits peut donner lieu à des lectures antagoniques.

La conception réaliste

Des droits reconnus

La tradition réaliste a bénéficié, à l’époque contemporaine, des recherches menées par la phénoménologie de la perception. La phénoménologie existentielle, celle de Merleau-Ponty par exemple, doit « formuler une expérience du monde, un contact avec le monde qui précède toute pensée sur le monde »[1]. Percevoir, c’est saisir l’objet lui-même et non pas un double de l’objet. Le réalisme contemporain s’incline face à l’homme réel et ce n’est qu’ultérieurement qu’il développe une pensée sur l’homme. Nous nous inclinons face à une réalité saisissable par notre raison, et que nous exprimons par le langage. Nous nous inclinons devant les hommes concrets, et nous reconnaissons qu’ils ont tous les mêmes droits. En ce sens, les droits de l’homme sont universels. Ils excluent toute discrimination. Ces droits sont énoncés dans de grandes déclarations, dont les principales sont la Déclaration d’indépendance des USA (1776) ; la Constitution des USA (1787) ; la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en France, et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948.

Ces droits sont inhérents à la nature humaine : l’homme naît avec. Avant même qu’il n’entre en société civile et politique, tout être humain a des droits fondamentaux. Les hommes ont ces droits avant même que ces droits ne soient écrits dans des lois. Les droits de l’être humain à la vie, à la liberté d’expression, au mariage, à fonder une famille, à choisir sa religion, etc. existent avant d’avoir été énoncés. Les grandes déclarations prennent acte d’une réalité que l’on reconnaît.

Cette tradition réaliste souligne que l’homme est un être pourvu de raison et de liberté. L’homme a dans sa constitution la capacité de juger et de décider ; il peut donner librement son assentiment à ce qui est. Selon la belle expression d’Aimé Forest, l’homme peut « consentir à l’être »[2]. Nous pouvons en particulier reconnaître la réalité des autres et consentir à accepter les limites de notre liberté, pour que d’autres puissent aussi exister et s’affirmer dans la connaturalité et la différence.

Les lois positives

Il ne suffit cependant pas que les droits de l’homme soient reconnus. S’ils étaient simplement reconnus et déclarés, les droits de l’homme n’auraient qu’une portée théorique ; ils seraient purement formels. Or par leur nature même ces droits de l’homme demandent, et même exigent, d’être traduits dans des lois écrites, dans des normes juridiques. C’est ce qu’on appelle la législation positive, le droit positif. Certes les lois font l’objet d’énoncés juridiques différents selon les traditions des différents peuples ; ces législations positives peuvent donc être comparées. Mais toutes convergent vers le même but : reconnaître, promouvoir et protéger les droits fondamentaux inhérents à tous les membres de la famille humaine. Les États ne créent pas ces droits. Ce qui donne sa légitimité à l’ordre légal, c’est le respect des droits naturels de l’homme. L’adhésion des différents États à ces droits de l’homme est la meilleure garantie de la paix entre les nations et de la justice au sein des nations.

Dans la conception réaliste, l’État de droit signifie que les dirigeants de l’État reconnaissent la réalité des droits de l’homme et qu’ils s’appliquent à faire respecter ces droits dans la société civile et politique, grâce à des instruments juridiques. Dans cette même tradition réaliste, on parle parfois de nouveaux droits. Il s’agit alors de droits que l’homme a par nature mais qui n’avaient pas encore été explicités ou qui l’avaient été insuffisamment.

Une quête inlassable

Reconnaître la réalité des droits de l’homme, c’est s’engager à poursuivre inlassablement la quête de ces droits ; c’est admettre que cette quête vise un horizon qui n’est jamais pleinement atteint et qui, pour ce motif même, suscite des avancées dans la législation positive. Cet approfondissement constitue un véritable progrès dans la mesure où, se déroulant dans l’histoire, il révèle une meilleure perception des droits fondamentaux de l’homme, et de ce qui est commun à tous les hommes. Mais, ainsi qu’en témoigne aussi l’histoire récente, ces acquis sont toujours précaires et doivent être protégés par des instruments juridiques adéquats.

Des exemples connus permettent de comprendre quelques étapes de ce progrès. C’est au nom d’une meilleure perception de l’égalité des hommes que l’esclavage a été condamné, qu’a ensuite été contestée la condition des serfs et des ouvriers, que sont combattues aujourd’hui les discriminations dont la femme est victime, qu’a été contestée l’exploitation du Tiers Monde, etc. On a aussitôt conclu, à juste titre, que, dès lors qu’ils étaient mieux perçus, ces nouveaux droits devaient être garantis par des législations positives appropriées, et que, grâce à eux, l’horizon s’ouvrait vers d’autres découvertes.

Il y a donc une histoire de la perception des droits naturels de l’homme. Il y a des cultures qui honorent, mieux que d’autres, les droits naturels de l’homme. La conscience humaine peut bénéficier de l’expérience historique dans la mesure où celle-ci dévoile des dénis de droits auxquels elle s’efforce de remédier par de meilleures lois. Mais ces progrès eux-mêmes montrent la nécessité d’une vigilance sans faille, car la régression est toujours possible. D’où le rôle irremplaçable du juge.

La conception positiviste

La science des normes

La conception des droits de l’homme qui apparaît dans le positivisme juridique est issue de la tradition nominaliste : au-delà des mots, il n’y a aucune réalité connaissable. Cette conception a pour caractéristique principale de ne s’intéresser qu’à la législation positive, au droit positif. Elle considère que les grandes déclarations classiques sont, dans le meilleur des cas, des déclarations politiques, qui n’ont ni ne doivent avoir aucun impact sur le droit positif.

La référence aux droits innés de l’homme est bannie. Pour le positivisme, le droit est la science des normes, la science des énoncés que le législateur consigne dans les lois écrites, codifiées dans des règles juridiques. Tout appel à un au-delà du droit positif est dépourvu de pertinence. Toute référence à des hommes réels et aux droits qui leur sont innés est dénoncée comme relevant du monde inconnaissable de la pensée métaphysique. A celle-ci, la science des normes oppose une fin de non recevoir.

Cette conception positiviste du droit rejoint la conception positiviste de la Science, et plus particulièrement des sciences physiques et chimiques. Celles-ci ne s’intéressent qu’aux phénomènes et aux énoncés protocolaires, en espérant qu’ils soient coordonnés. Ces disciplines n’ont que faire des questions explorées par la métaphysique. De même que l’homme de science ne s’intéresse qu’aux phénomènes, le juriste ne doit s’intéresser qu’aux normes juridiques formulées par le législateur. Entre elles, ces normes juridiques doivent être aussi cohérentes que possible.

Le grand théoricien du positivisme juridique, Hans Kelsen (1881-1973), s’inscrit dans la tradition kantienne[3]. Il postule, il considère comme établie, la norme juridique suprême : « La norme doit être respectée parce qu’elle est la norme » ; « La loi doit être respectée parce qu’elle est la loi ». La norme suprême est censée s’imposer comme une donnée immédiate, comme un axiome. Il n’y a plus de réalité humaine à reconnaître, ni de droits qui seraient inhérents à tout être humain. Il n’y a plus à prendre en compte un au-delà de la loi écrite, ni à se référer à des droits fondamentaux qui seraient antérieurs à ces lois écrites. Dans la tradition positiviste, le droit de tous à la vie, pivot de la tradition réaliste, est de plus en plus menacé par des lois positives. Le droit positif est de plus en plus déconnecté du droit naturel puisque celui-ci, s’il devait exister, serait inconnaissable et ne devrait de toute façon pas être pris en compte.

Un cas d’agnosticisme

Le positivisme juridique se présente donc comme une forme d’agnosticisme : il n’y a plus de vérité de l’homme ni sur l’homme s’imposant par sa seule force à la raison. En un premier temps, il appartient à chaque individu de décider de ce qui lui convient, en toute autonomie. Relativisme et individualisme vont de pair. Cependant, si chaque individu veut se faire justice et envie ce qu’envie son voisin, un état de guerre s’installera tôt ou tard dans la société[4]. Pour prévenir cette situation, les hommes doivent se soumettre à la norme suprême dont est garant celui qui se trouve en position dominante au point que sa volonté a force de loi. On pense ici aux Princes et autres Léviathans des temps modernes. Cette force peut provenir de deux sources : ou bien les hommes s’aliènent volontairement de leur liberté au profit d’un chef auquel ils se soumettent ; ou bien le chef s’impose à eux – par la violence ou par la ruse. Dans les deux cas, les normes juridiques n’auront qu’une seule source : la volonté du prince. Les droits de l’homme procèdent donc de la seule volonté de celui qui, étant le plus fort, peut donner force de loi aux déterminations de sa volonté. Selon cette conception, les hommes ont intérêt à entrer en société politique, mais ils ne seront en sécurité que s’ils consentent à être esclaves[5].

Il y a donc deux types de droit positif et dès lors de lois : l’un, inspiré du réalisme ; l’autre, inspiré du positivisme. En outre, poser en principe que l’homme n’a pas de droits inhérents à sa nature, c’est laisser l’homme désarmé face à la violence que le droit n’a pas de raison de contenir.


Quelle lecture de la Déclaration de 1948 ?

La justice, conformité à la loi

Actuellement, la conception positiviste des droits de l’homme tend de plus en plus à supplanter la conception réaliste qui caractérise la Déclaration Universelle de 1948. Nous allons le montrer par différents exemples.

Dans la conception réaliste des droits de l’homme, les mots tirent leur sens de la réalité qu’ils expriment. Les hommes peuvent se parler, délibérer, s’entendre parce que le sens des mots n’est pas le fruit de décisions volontaristes. Du droit à la vie, on dit qu’il est inhérent à tous les êtres humains parce qu’ils sont des êtres humains. Ici, la norme du droit est naturelle. La justice est déterminée par le respect qui est dû à chaque homme, et plus précisément à ses droits : il faut rendre à chacun ce qui lui est dû.

Contrairement à ce qui se passe dans la conception réaliste, dans la conception positiviste, les mots ne renvoient plus à des réalités. Le sens des mots du droit dépend de la volonté du législateur. Le droit à la vie est défini et délimité dans des normes établies par le législateur ; il n’est plus universel. N’étant plus référés à des réalités, à des droits inhérents à la personne, les mots ne peuvent avoir qu’un sens conventionnel.

La norme suprême postulée par Kelsen est purement formelle : la loi doit être respectée parce que c’est la loi. Mais pour que ce postulat ne reste pas lettre morte, il faut pourvoir à des normes juridiques qui tirent leur validité, en fin de compte, de la norme suprême. Les normes juridiques apparaissent ici comme l’aboutissement d’une procédure consensuelle au terme de laquelle les hommes conviennent de définir les normes juridiques qui devront être validées par le gardien de la norme fondamentale. Les normes juridiques ainsi validées peuvent cependant être interprétées au gré des volontés dominantes. La justice se définit alors comme la conformité à la loi, quelle qu’elle soit.

Il s’ensuit – toujours selon la conception positiviste - que les droits de l’homme tels qu’ils sont formulés dans la Déclaration de 1948 donnent l’impression d’être universels, et ils le sont vraiment dans la perspective réaliste qui est celle des rédacteurs de la Déclaration de 1948. Mais cette universalité des droits de l’homme est en péril dès que la même déclaration est soumise à une clé de lecture positiviste. Selon cette dernière, chaque législateur peut donner aux mots le sens qu’il veut, ce qui corrobore l’impression fausse d’universalité[6]. En effet, des mots comme vie, famille, mariage, éducation, etc. paraissent être univoques – comme dans la lecture réaliste – mais ils deviennent polysémiques et équivoques lorsqu’ils sont soumis à une lecture positiviste. Le rejet de l’ancrage des mots dans la réalité a pour prix la confusion d’un langage babélien. Au lieu d’unir, celui-ci divise.

Revendiquer de « nouveaux droits »

Du relativisme caractéristique du positivisme juridique procède alors la revendication de « nouveaux droits ». Ces « nouveaux droits » sont issus de négociations entre individus, devant déboucher sur des décisions consensuelles[7]. Elles sont validées par le garant de la norme suprême.

Parmi ces « nouveaux droits » figurent le « droit à l’avortement », le « droit à des unions entre personnes de même sexe », le « droit à l’euthanasie », etc. Mais cette revendication de « nouveaux droits » ne peut être honorée qu’au prix de l’instauration d’un pouvoir supérieur qui, par un acte de sa volonté, valide les « nouveaux droits » en question. En dernière instance, c’est au garant de la norme suprême qu’il appartient de décider de la signification à donner aux mots, de déterminer ce qui est juste ou ne l’est pas.

Le relativisme permet au positivisme juridique de présenter les droits de l’homme comme des conquêtes de la liberté des individus. Ceux-ci peuvent négocier et même revendiquer des « droits », qui coïncident avec leurs désirs. En un premier temps, les individus se flatteront d’avoir conquis de « nouveaux droits ». Mais ils s’apercevront bientôt que leur revendication ne peut être honorée sans l’instauration d’un pouvoir supérieur dont dépendra la validation des « nouveaux droits » en question. Cette conception positiviste du droit conduit ainsi les individus à être privés de leur autonomie, à laquelle ils se voulaient tellement attachés. Elle expose également les États à être privés de leur souveraineté dans la mesure où, s’écartant du réalisme, leur droit particulier devra être avalisé au nom de la norme suprême.

Une déconstruction systématique

Un détournement de sens

Nous assistons actuellement à une tentative avérée de déconstruction systématique de la conception réaliste des droits de l’homme. La réalité de l’être humain dès sa conception n’est pas reconnue. Le législateur se réserve de définir à partir de quand il y a être humain. Il en va de même pour la famille. Celle-ci n’est plus une institution naturelle. Ce détournement de sens de la Déclaration Universelle de 1948, cette lecture positiviste de la Déclaration permettent à l’ONU, ainsi qu’à l’Union Européenne, de se poser en garants de la « norme suprême ». De l’une et de l’autre dépend que soient validés les droits particuliers des individus et des États. Pour les positivistes, la Déclaration de 1948 n’est plus recevable dans la mesure où elle s’inscrit dans la tradition réaliste, qui a inspiré le texte. Le texte est désormais soumis à une grille de lecture au terme de laquelle le sens des mots est totalement volatile. Ce sens doit être fixé, ou modifié, par ceux-là seuls qui ont la force d’imposer leur vouloir.

Bref, le sens originaire de la Déclaration Universelle de 1948 est victime d’un coup de force où l’ingénierie verbale fait dire aujourd’hui aux mots le contraire de ce qu’ils disaient hier.

Revenons à quelques exemples.

Le droit à fonder une famille traditionnelle, hétérosexuelle et monogamique, apparaît à présent comme un cas de figure à côté d’un catalogue de « nouveaux droits » où on trouve des familles recomposées, reconstituées, mélangées, monoparentales, etc. De « nouveaux droits » s’étendent à divers « nouveaux modèles » familiaux. Ainsi se débilitent les solidarités naturelles.

Le mot mariage, réservé à l’engagement de deux personnes de sexe différent, est actuellement utilisé pour désigner le « droit » à des unions homosexuelles ou lesbiennes, ou encore à l’homoparentalité. Ces différentes unions peuvent être assorties du « droit » à l’adoption d’enfants et du « droit » à la répudiation d’un partenaire.

Dans la tradition réaliste, le mot maternité signifie d’abord le processus biologique par lequel la femme accueille un nouvel être humain. Aujourd’hui, le mot renvoie à de « nouveaux droits » qui légalisent des techniques de maternité assistée, de fécondation in vitro, de grossesse sur commande, etc. Les droits « à la maternité sans risques » ou à la « santé reproductive » recouvrent en particulier le droit à l’avortement.

De même le mot paternité renvoie traditionnellement au processus biologique par lequel l’homme, uni à sa femme, engendre un nouvel être humain. Mais aujourd’hui, en vertu de « nouveaux droits », la paternité peut s’exercer furtivement et même dans l’anonymat. Le père biologique se limite à donner son sperme, et s’engage à s’effacer devant le père éleveur de l’enfant.

Le mot santé renvoie à l’état où l’on se trouve lorsque le corps humain fonctionne bien. Mais on a vu surgir de « nouveaux droits » adaptés au « nouveau paradigme de santé ». Selon celui-ci, priorité doit désormais être donnée à la santé du corps social et non plus à celle des individus.

Dès l’adolescence, des enfants ont le « droit » de recourir à la contraception, voire à l’avortement, à l’insu de leurs parents. Ceux-ci sont donc dessaisis d’une de leurs responsabilités essentielles dans le domaine de l’éducation de leurs enfants.

Le respect de la vie, et en particulier de la vie souffrante ou déclinante, fait également partie de la tradition réaliste. C’est au nom de cette tradition qu’on été condamnés les crimes contre l’humanité, généralement déclarés imprescriptibles. Désormais, le respect de la vie devient modulable et l’on voit surgir de « nouveaux droits de l’homme » légalisant aujourd’hui l’euthanasie, condamnée naguère à Nuremberg, et l’avortement.

Du corps humain, on affirme traditionnellement qu’il est « indisponible ». Il ne peut faire l’objet d’une vente, d’une convention. Il ne peut être instrumentalisé, utilisé à des fins expérimentales. Désormais, de « nouveaux droits » se traduisent dans des pratiques telles que la fivete, le bébé médicament, les mères porteuses, et l’avortement lui-même.

En somme, la culture de la mort est le fruit venimeux du positivisme juridique[8].

Dans son acception habituelle, le mot genre renvoie à la différenciation sexuelle, aux différences innées, anatomiques, physiologiques, psychologiques entre l’homme et la femme, entre Mars et Vénus. Désormais, au nom de « nouveaux droits », chacun peut choisir son « orientation sexuelle », son « genre », et même en changer. Les différences des rôles entre l’homme et la femme sont présentées comme purement culturelles ; elles n’ont –assure-t-on-- aucun fondement naturel. Une nouvelle culture doit surgir qui abolira les relents de l’âge où la femme était opprimée par l’homme et écrasée par les maternités.

En résumé, la réalité est mise entre parenthèses et les mots ont le sens que le locuteur veut leur faire dire. Ainsi surgit une nouvelle langue où les mots comme genre, famille, mariage, maternité, paternité, avortement, contraception, etc. ont la signification que leur donne le locuteur, en marge de toute référence au réel. A terme, une nouvelle société pourra être construite sur base de ces « nouveaux droits »[9].

Quel État de droit ?

Dernier exemple, que nous avons déjà touché : la question de l’État de droit. Par cette expression, on signifie traditionnellement que, dans tel État, gouvernants et gouvernés doivent reconnaître et respecter les droits que l’homme a par nature : droit à la vie, à se marier, à fonder une famille, à s’exprimer, à s’associer, etc. Les pouvoirs publics, en particulier, sont tenus à établir des règles juridiques, des lois positives, qui permettent de concrétiser ces droits que l’homme a naturellement.

Cependant, l’expression État de droit peut aussi être utilisée au sens positiviste. Cette expression signifie alors que, dans un État déterminé, il y a un droit, il y a des lois. Dans cette perspective, la loi doit être respectée parce qu’elle est la loi, sans aucun égard à une référence quelconque à des droits que l’homme a par nature. Les lois sont alors l’expression de la volonté du législateur. C’est ce que Kelsen affirmait à propos de l’État nazi et de l’État stalinien.

« Du point de vue de la science juridique, le droit établi par le régime nazi est du droit. Nous pouvons le regretter, mais nous ne pouvons pas nier qu’il s’agit d’un droit. Le droit de l’Union soviétique est du droit ! Nous pouvons l’exécrer comme nous avons horreur d’un serpent venimeux, mais nous ne pouvons pas nier qu’il existe, ce qui veut dire qu’il vaut. »[10]

Cette conception positiviste du droit se trouve jusqu’aujourd’hui dans tous les systèmes juridiques échafaudés par les totalitarismes de toute sorte, déclarés ou rampants. Elle est en train de s’imposer dans les relations internationales. Elle met en péril la liberté religieuse. Alors que dans la conception réaliste l’État de droit est au service des droits de l’homme, dans la conception positiviste de l’État de droit, le droit est exposé à être l’arme absolue de la dictature et de la tyrannie.


La main tendue

La tentation néo-positiviste

L’influence du positivisme juridique s’étend aujourd’hui parmi les moralistes catholiques. Certains développent même une conception frelatée de la morale chrétienne. L’erreur de base de ces moralistes, c’est d’abandonner la conception réaliste de l’homme et des droits qui y sont attachés naturellement. Cette tendance est spécialement perceptible dans les discussions dont l’enjeu est la vie humaine. Beaucoup de bioéthiciens n’accordent pas une attention suffisante à la morale fondamentale. Par une sorte de procédé schizophrénique fort répandu, certains hommes politiques prétendument catholiques affirment, par exemple : « Personnellement, je suis contre l’avortement, mais comme député, je suis en faveur de sa légalisation ».

Or il en va de la bioéthique comme du droit. Lorsqu’elle est d’inspiration réaliste, la bioéthique tient compte de l’être humain concret et des diverses connaissances acquises à son sujet. Elle considère que l’homme est une personne, ouverte à la relation à autrui, naturellement sociable. La morale naturelle tire ainsi parti de différentes disciplines scientifiques pour rappeler que ni l’homme ni la femme ne peuvent faire n’importe quoi avec leur corps, et que le corps lui-même assigne des limites à la liberté de l’homme. Oui, cet homme de chair et d’os est vraiment aimé de Dieu, qui en révèle la pleine dignité dans l’Incarnation de son Fils. Lorsque l’Écriture condamne la sodomie, elle rappelle, certes, le dessein de Dieu sur la sexualité humaine, mais elle tient aussi compte de l’observation des faits. La morale chrétienne incorpore ces conclusions de l’expérience, comme elle incorpore celles de l’anthropologie philosophique. Ces conclusions bénéficient de l’éclairage propre à la tradition chrétienne mais il n’est pas rare qu’elles soient antérieures à l’Évangile. A l’aurore de la Nouvelle Alliance, comment ne pas songer au martyre de Saint Jean-Baptiste, disant à Hérode qu’il n’avait pas le droit de garder la femme de son frère[11].

Lorsqu’elle est d’inspiration positiviste, la bioéthique considère que l’homme est un individu replié sur lui-même et guettant d’abord ses intérêts, ses plaisirs, ce qui lui est utile. Cette bioéthique fleurit dans les comités d’éthique ; elle est un lieu virtuel où s’affrontent les opinions les plus diverses, dans la recherche éperdue d’un improbable consensus. Le but de la discussion, ce n’est pas de connaître le réel puisqu’il est dit inconnaissable ; c’est de discuter. Voilà une façon élégante de pratiquer l’épochè, la suspension de jugement. On discute pour discuter, comme les sophistes antiques et comme les sceptiques. Cette bioéthique peut éventuellement se présenter comme chrétienne, mais dans son argumentaire, elle sous-estime ou laisse entre parenthèses la question philosophique de la réalité et de la dignité de l’homme, et du rapport existentiel de celui-ci au créateur. Ce qui compte, c’est le dialogue, ou plutôt la négociation. Il s’agit de décider ce qui est permis ou défendu aujourd’hui, mais il faut laisser ouverte la porte à d’autres décisions ultérieures, d’autant que tout moraliste est habilité à opiner sur ce qu’il estime admissible ou non. Retour, donc, au relativisme et à la casuistique. La morale est alors vidée d’elle-même et cesse d’être une discipline normative. Elle se prononce sur des calculs : de l’utilité, du plaisir ou du risque que présente tel comportement dans telle situation.

Une autonomie totale

La crise profonde que traverse la morale chrétienne tient donc à un rejet, souvent sans appel, de la référence au droit naturel et aux droits de l’homme que la raison peut découvrir. Elle tient aussi à l’oubli fréquent, par certains chrétiens, de l’enracinement de cette morale chrétienne dans une théologie de la création et de l’incarnation. Le relativisme, le scepticisme et l’agnosticisme sont en train de gangrener les fondements de la morale chrétienne. Il s’ensuit que des théologiens très médiatisés se trouvent dans une situation pareille à celle des partisans du positivisme juridique. Pour ces théologiens, il n’y a ni acte vraiment bon, ni acte vraiment mauvais. Il n’y a de morale que la morale de situation. A chacun de décider de l’intention fondamentale qui orientera son agir.

Beaucoup de bioéthiciens chrétiens cèdent à cette main qui leur est tendue par le positivisme juridique en matière de droits de l’homme. Ils considèrent alors que tout, en morale, peut être discuté, contesté, déconstruit et reconstruit. D’où l’appui donné par ces théologiens aux « nouveaux droits de l’homme » s’inscrivant dans la mouvance positiviste. Cette lecture casuistique de la morale chrétienne considère que les individus sont totalement autonomes, qu’ils doivent « suivre leur conscience » en toute liberté. Il n’y a plus de norme morale ; il n’y a plus de morale fondamentale. L’agir moral est confié au libre examen de la conscience individuelle. Il va de soi que ce rejet, par des chrétiens, des droits naturels de l’homme enhardit les militants de la culture de la mort.

Alimenter la confusion ?

Le magistère et les arbitrages

Des passagers de la barque de Pierre sont parfois profondément influencés par cette dérive. Une fois de plus, le cas de la bioéthique est révélateur. Certaines réunions auxquelles participent des autorités ecclésiastiques en vue sont devenues des parloirs où l’on tente d’arriver à un consensus. C’est un peu ce qui se passe parfois dans des réunions œcuméniques où il convient de faire des concessions, de gommer les différences pour arriver à tout prix à un dénominateur commun. Les porte-parole et autres organes officieux peuvent ensuite alimenter la confusion.

Un cas typique est fourni par les discussions interminables sur le préservatif. Par peur, peut-être, de voir la réalité en face, des données dérangeantes, des faits sont systématiquement occultés ou décriés et sont remplacés par des énoncés convenant à ceux qui les proclament. Le magistère suprême est alors appelé à la rescousse pour procéder à des arbitrages, ce qui l’expose à toutes sortes de pressions.

Où conduit cette évolution ?

A vider le magistère de ce pour quoi il a été institué.

Comment cela ?

Sous l’influence de la dérive positiviste, le magistère ne devrait plus exposer et approfondir la doctrine de l’Église, dont il a le dépôt et la garde. Il ne devrait plus mettre en lumière sa référence à la vérité. Puisqu’on attend de lui qu’il soit désormais, en Église, le garant du consensus, des négociations et des arbitrages, le magistère devrait dire la « nouvelle morale ». N’attend-on pas de lui qu’il soit le garant, non d’une vérité, mais d’énoncés éthiques à avaliser selon la norme morale suprême : « Il faut une morale » ? Cette « nouvelle morale » sera énoncée par des bioéthiciens et ses règles seront soumises à la validation par le magistère suprême.

Pour parvenir à ce but, les déclarations du magistère sont alors aplaties, en ce sens que toutes les déclarations sont de même niveau, banalisées, et que toutes peuvent être contestées. Qu’il s’agisse de déclarations conciliaires, d’encycliques, d’exhortations synodales, d’une interview lors d’un voyage, d’une formulation malheureuse dans un discours ou dans un recueil d’entretiens : tous les textes ont le même poids et ils sont tous réformables. Pour comble, les incohérences entre les diverses traductions, parfois bâclées, de textes pontificaux, viennent ajouter une note jubilatoire au gâchis. Voilà ce qui fait les beaux jours des éditeurs et de leurs allocataires ! De même, ceux qui ont une position de force suffisante pour le faire tentent de se faire passer pour des interprètes authentiques des déclarations magistérielles, voire de fourguer de nouvelles règles morales.

L’autorité du magistère suprême risque de s’en trouver ruinée puisqu’on ne discerne plus de vérité à accueillir ou à transmettre. Avec cette façon de procéder, on met le pape en délicatesse avec lui-même et avec ses prédécesseurs. D’ailleurs, argumente-t-on, le pape lui-même n’hésite pas à inviter ses lecteurs à discuter ses positions.

Protéger le pape

Or voici ce qu’écrit Benoît XVI dans son splendide Jésus de Nazareth[12] :

« Il est clair que je n’ai pas besoin de dire expressément que ce livre n’est en aucune manière un acte du magistère, mais uniquement l’expression de ma quête personnelle de « la face du Seigneur » (cf. Ps 26 [27], 8). Aussi chacun est-il libre de me contredire. Je prie simplement les lectrices et les lecteurs de me faire le crédit de la bienveillance sans lequel il n’y a pas de compréhension possible. »

Mérite d’être soulignée la bienveillance du pape lui-même qui a la délicatesse d’écrire que ses ouvrages scientifiques, même signés pendant son pontificat, ne sont pas des actes du magistère. C’est précisément le message inverse que certains de ses collaborateurs voudraient faire passer en insinuant qu’il suffit qu’une déclaration procède de la volonté du pape pour qu’elle ait un poids magistériel. Il est dès lors élémentaire de rappeler que tout ce que dit ou écrit le pape n’appelle pas le même niveau d’adhésion. Certains documents pontificaux attribués au pape ont besoin d’être critiqués pour protéger le pape lui-même, et le magistère, contre d’éventuelles initiatives intempestives de collaborateurs dépassant leur mandat.

L’Église et la ré-ingénierie sociale

Par ce glissement vers une lecture positiviste de l’autorité et des déclarations magistérielles, l’Église se trouve objectivement associée au projet de ré-ingénierie sociale dont l’ONU et l’UE ont donné le signal. L’Église doit être récupérée, c’est-à-dire ralliée au projet de gouvernance mondiale coiffé par un droit international positiviste, lui-même appliqué par des tribunaux supranationaux.

A défaut d’être ainsi annexée par consentement, par intimidation ou par trahison (on songe à Henry VIII), l’Église doit être détruite, non parce qu’elle a une morale, mais parce qu’elle a une morale qui dérange car elle est profondément réaliste. Elle a pour fondement la passion, la mort et la résurrection du Fils de Dieu, venu sur terre pour inviter tous les hommes à devenir enfants de Dieu. Voilà le fait majeur de l’histoire humaine, et de ce fait, les apôtres ont été les premiers à porter témoignage. Eux dont la foi avait vacillé jusqu’à la trahison, eux qui n’avaient pas cru qu’Il était ressuscité comme en témoignaient les saintes femmes, voilà que, mus par l’Esprit-Saint, ils se mettent à proclamer qu’Il est vivant. Voilà qu’ils affrontent les puissances du mal pour annoncer, jusqu’au martyre, cette bonne nouvelle. Tel est le roc sur lequel est basée toute l’histoire de l’Église : les apôtres ont vu ; ils ont reconnu ; ils ont entendu, ils ont touché. Voilà la vérité que le magistère a à accueillir et à transmettre.

L’Église souscrit pour cela à tous les efforts réalisés par tant de générations pour protéger l’homme et ses droits innés. Elle reconnaît et accueille le labeur de générations d’hommes politiques, de législateurs, de juristes de l’étoffe de Cicéron, pour procurer aux sociétés humaines une législation protégeant et promouvant ces droits. Plus fondamentalement encore, l’Église invite tous les hommes à en revenir à la réalité de l’homme et à s’élever avec courage contre l’emprise de la culture de la mort.

Positivisme et culture de la mort

Pour tous les juristes et pour tous les moralistes, catholiques ou non, adhérer à une conception positiviste du droit et de la morale, c’est restaurer une forme contemporaine de manichéisme. Selon cette conception, il appartiendrait à une catégorie d’hommes, les illuminés, de définir ce qui, dans le monde, est bien ou mal, et de répercuter cette dichotomie dans tout le tissu social grâce aux institutions juridiques. Or malgré le mal et le péché, l’Église doit rejoindre le regard de Dieu sur l’homme et sur le monde : le créateur vit que ce qu’il avait fait était bon[13]. L’Église doit inviter tous les hommes à s’émerveiller devant la beauté du monde, à choisir la vie, à redécouvrir que ce monde a été créé pour l’homme, et que l’homme est le gérant responsable de la première révélation qu’est le monde créé.

Le drame du positivisme juridique, c’est qu’en raison de son agnosticisme, il laisse grande ouverte la porte par laquelle peut s’engouffrer la culture de la mort. Une culture de la mort qui a commencé par décréter la mort d’un Dieu soi-disant devenu jaloux de sa créature. Une culture de la mort qui crédite l’homme du pouvoir de se déifier lui-même et de se donner des droits. Excusez du peu ! Une culture au nom de laquelle des hommes ont décrété la mort du Fils de Dieu, de l’Innocent par excellence et de ceux qui en sont l’image. Une culture de la mort qui, au dire de certains démographes, peut conduire à l’extinction de l’espèce humaine…

De ce qui précède, il résulte que la confrontation entre les conceptions réaliste et positiviste des droits de l’homme est devenue la question cruciale dans le monde d’aujourd’hui et en particulier au sein des grandes organisations internationales. Cette question interpelle spécialement les représentants de la tradition positiviste. Il y est dit en effet qu’« il faut une loi », que « la loi doit être respectée ». La justice est donc purement procédurale : elle entérine une décision consensuelle au terme d’une discussion fair-play. Les lois ainsi conçues n’ont aucun soubassement dans une réalité reconnue. D’où la mise en place d’un nouveau droit international positiviste au service d’une gouvernance mondiale. Mais comment méconnaître qu’avec la montée en force du positivisme juridique, le « droit » de donner la mort est devenu le droit suprême ?

Ce qui est tout aussi troublant, c’est que ce positivisme a été accueilli par de nombreux moralistes chrétiens, en particulier parmi ceux qui se présentent comme bioéthiciens. Comme on peut l’observer dans beaucoup de comités ad hoc, des bioéthiciens, désireux d’en arriver à une décision consensuelle et prêts à avaliser celle-ci, imitent leurs collègues juristes positivistes et décrètent qu’au-delà de la décision consensuelle, il n’y a rien à prendre en compte. Tout ce qui est au-delà de la norme morale suprême – « Il faut une norme morale » – ressortirait au monde ténébreux de la métaphysique. Très logiquement, ce rejet de la métaphysique et de l’anthropologie qui en est un volet, s’accompagne d’un rejet de toute morale fondamentale qui s’intéresserait, par exemple, aux rapports entre la conscience, la vérité, la liberté.

Finalement, ni le positivisme juridique, ni une certaine « morale chrétienne » qui en est parfois le clone, ne peuvent éluder la question de savoir qui parle, qui énonce les énoncés juridiques et moraux, qui, en dernière instance, valide les normes particulières. Derrière ces divers énoncés, se cachent toujours des hommes réels, des partis, des groupes plus ou moins organisés, des sociétés occultes disposés à déconstruire le monde et pressés de le reconstruire selon les décisions émanant de leur volonté.

Secouée de l’extérieur par les forces du mal et de l’intérieur par des convulsions dont on feint de nier l’ampleur, l’Église, aujourd’hui comme hier, doit souffler sur les braises et raviver la Parole d’amour et de feu que le Seigneur lui a confiée pour embraser le monde. Si Pierre et Paul vivaient de nos jours, ils seraient probablement taxés de fondamentalisme. Pourtant c’est d’eux, et de leurs successeurs, que dépend ce que sera la Nouvelle Évangélisation.

Monseigneur Michel Schooyans est professeur émérite de l’Université Catholique de Louvain, où il a enseigné la philosophie politique, les idéologies contemporaines et l’éthique des politiques démographiques. Il a également enseigné pendant dix ans à l’Université Catholique de São Paulo. Philosophe et théologien, Michel Schooyans est membre de l’Académie Pontificale des Sciences Sociales, de l’Académie Pontificale pour la Vie et de l’Académie Mexicaine de Bioéthique. Il est Consulteur du Conseil Pontifical pour la Famille.

Louvain-la-Neuve, juillet 2011.

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[1] Cf. Maurice Merleau-Ponty, Sens et non-sens, Paris, Gallimard, 1948 ; réédition 2001. Voir pp. 54 s.

[2] Cf. Aimé Forest, Du consentement à l’être, Paris, Aubier, 1936.

[3] L’ouvrage le plus célèbre de Hans Kelsen est sa Théorie pure du droit [1962], Paris, LGDJ, 1999. Sur Kelsen, voir notre étude, La face cachée de l’ONU, Paris, Le Sarment, 2000 ; voir pp. 133-172.

[4] Voir l’œuvre de René Girard, en particulier Des choses cachées depuis la fondation du monde, Paris, Bernard Grasset, 1978.

[5] Étienne de la Boétie, Le discours de la servitude volontaire, Paris, Payot, 1976.

[6] L’éthique de la responsabilité telle que l’expose Max Weber renforce encore cette lecture positiviste des droits de l’homme. Voir Max Weber, Le Savant et le Politique, Paris, Le Monde en 10/18, 1959 ; cf. pp. 172-175.

[7] Voir à ce propos John Rawls, A Theory of Justice, Oxford University Press, 1972 ; diverses rééditions.

[8] Voir Rémi Brague, Les ancres dans le ciel. L’infrastructure métaphysique, Paris, Éd. du Seuil, 2011.

[9] Pour une discussion sur le « constructivisme », voir notamment l’ouvrage de Ian Hacking, Entre science et réalité : La construction sociale de quoi ?, Paris, Éd. de la Découverte, 2001.

[10] Hans Kelsen, Das Naturrecht in der politischen Theorie, Vienne, 1963, p. 148 ; il s’agit d’un exposé au Congrès du Centre international des recherches concernant les problèmes fondamentaux de la science. Nous reprenons ce texte tel qu’il est cité par Julien Freund, L’essence du politique, Paris, Éd. Sirey, 1965, pp. 723 s. Certains passages de la Théorie pure préparent, pour ainsi dire, cette affirmation. Voir aussi supra, à la note 3.

[11] Mt 14, 4.

[12] Voir Joseph Ratzinger - Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Paris, Éd. Flammarion, 2007 ; p. 19.

[13] Gn 1, 10. 12. 18. 21. 25 ; cf. 2, 18.