AU SUJET DE LA CONTROVERSE AUTOUR
DE LA POSITION DU PAPE BENOIT XVI SUR LE PRESERVATIF
LES EVEQUES DE LA CERAO DECLARENT
Etonnement face à une manipulation outrageante planifiée
Nous avons été tous surpris et étonnés de la façon dont une phrase du Saint-Père a été totalement sortie de son contexte proche et lointain pour devenir le motif récurrent de toutes les émissions de RFI et d’autres médias français sur le premier voyage apostolique du Saint-Père, le Pape Benoît XVI, en Afrique. Le comble est cette occultation systématique des autres idées de l’interview et la minimisation de tout ce que le Saint-Père s’est efforcé de communiquer comme espérance à l’Afrique, tant au Cameroun qu’en Angola. A cela précisément ne devrait-on pas reconnaître que c’est à l’Eglise et à sa mission évangélisatrice que les acteurs de l’ombre s’en prennent ?
Nous, évêques de la Conférence Episcopale Régionale de l’Afrique de l’Ouest (CERAO), nous avons pris la mesure de l’événement et nous tenons à déclarer à tous ce qui suit :
Démolir la morale est crime contre l’humanité
On n’arrivera pas à bout du Sida, en cassant les ressorts spirituels et moraux des hommes, surtout des adolescents et des jeunes, en les fragilisant et en faisant d’eux des paquets de désirs sexuels sans les régulateurs prévus par le Créateur. C’est un crime contre l’humanité que de priver l’enfant, l’adolescent et le jeune de l’entrainement à la maîtrise de l’esprit sur le corps et ses pulsions qu’on appelle éducation sexuelle. En ce sens, les slogans publicitaires et la distribution de préservatifs pourraient n’être qu’irresponsabilité et crime contre l’humanité.
Des propos irrévérencieux, injurieux et sacrilèges
Pour nous, Africains, le Pape est le père de la Grande Famille qu’est l’Eglise et, à ce titre, nous lui devons respect et affection. Il est sacrilège selon nous, du simple point de vue de notre culture africaine traditionnelle, pour ne pas encore parler de la foi, que des fils et des filles d’Eglise qui se prétendent catholiques s’en prennent au Pape avec vulgarité, arrogance et injures, comme certains journalistes d’organes français et certaines personnalités françaises, espagnoles, européennes, se sont permis de le faire. Nous déplorons et condamnons ces propos irrévérencieux et injurieux.
L’Attentat post-moderne contre la vérité et ses conséquences violentes sur les relations humaines
Mais nous ne sommes d’une culture qu’au titre de la vérité plus profonde de notre humanité. Et l’humanité qui est commune à tous, est unique ; elle se concrétise dans un certain nombre de droits et de devoirs, inséparables de la dignité de toute personne humaine. Il est absolument intolérable qu’un petit groupe de communicateurs -parfois hélas des Africains émargeant sans gêne à la richesse « sale » de ceux qui ont dépouillé leurs peuples- s’arroge le droit de déformer la vérité pour se présenter en bienfaiteurs responsables face à la condition dramatique de nos frères et sœurs porteurs du VIH SIDA, et, par contre, transformer le Saint-Père en un personnage « irresponsable » et dépourvu d’humanité, et ainsi pouvoir l’injurier et tenter d’ameuter contre lui une cohue d’individus, qui s’estiment en droit de parler de ce qu’ils n’ont pas pris le soin de connaître avec précision. Ils oublient que, ce faisant, ils se disqualifient professionnellement, puisqu’il existe une différence essentielle entre créer du sensationnel scandaleux et informer. Nous déplorons et condamnons l’attentat contre la vérité qui est le péché de notre monde post-moderne, et dont résultent les graves blessures que subit de plus en plus la Sainte Eglise, Notre Mère. Quel est ce monde où l’on ne prend pas le temps d’écouter l’autre, de l’écouter jusqu’au bout et où on lui fait dire ce qu’on veut qu’il dise ? La sagesse africaine et la Sagesse Biblique toutes axées sur l’Ecoute ont une autre vision du monde à proposer.
Profonde union de pensée et de cœur entre Benoît XVI et l’AfriqueNous, évêques africains, nous remercions du fond du cœur le Saint-Père, qui a tant d’affinités avec nous, du fait de notre communauté de pensée sur l’Eglise et de notre engagement commun en faveur de nos frères et sœurs malades du Sida, des pauvres, des blessés de la vie et des petits. Qui ignore que les titres : Eglise, Maison (Famille) et Peuple de Dieu ; Eglise, Fraternité Chrétienne, Eglise-Communion sont de lui ? Il y a cru et y a travaillé depuis longtemps comme jeune théologien et plus récemment comme Cardinal Préfet de Dicastère ; nous y croyons aussi et nous sommes à pied d’œuvre pour édifier en Afrique l’Eglise Communion comme Famille de Dieu et Fraternité du Christ. Il est venu chez nous pour nous confirmer dans cette foi. Nous l’en remercions.
Eglise d’Afrique, une Eglise porteuse d’espérance
Nous lui savons gré aussi pour tout le message d’espérance qu’il est venu nous livrer, au Cameroun et en Angola. Il est venu nous encourager à vivre unis, réconciliés dans la justice et la paix, pour que l’Eglise d’Afrique soit elle-même une flamme ardente d’espérance pour la vie de tout le continent. Et nous le remercions pour avoir reproposé à tous, avec nuance, clarté et pénétration, l’enseignement commun de l’Eglise, en matière de pastorale des malades du Sida.
Humanisation de la sexualité et don de soi aux malades du Sida
Il nous encourage tous à vivre et à promouvoir l’humanisation de la sexualité et le don de sa propre humanité pour être avec et secourir en vérité les frères et sœurs malades du Sida, comme l’authentique attitude responsable des catholiques face aux malades du Sida et de tous ceux qui aiment vraiment les Africains atteints de ce mal. Nous accueillons son message qui est aussi notre propre position. Et nous déclarons tous avec lui : « … On ne peut pas surmonter ce problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. Si on n’y met pas l’âme, si on n’aide pas les Africains, on ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs : au contraire, le risque est d’augmenter le problème ». Telles sont les paroles de Benoît XVI qu’un matraquage médiatique s’est évertué à travestir. En vain.
Responsabilité des media
Dire moins, c’est mépriser l’Africain et témoigner de zèle à tuer ce qu’il y a d’authentiquement humain en l’homme noir dont par exemple toutes les traditions valorisent tant la virginité constatée au mariage. Nous déplorons et nous condamnons cette prétendue responsabilité vis-à-vis de l’homme noir qui n’aurait de solution que mécanique à un problème aussi vital qu’est la sexualité pour tout homme et donc pour l’Africain lui aussi. La responsabilité des media est élevée ; ils ne doivent pas déchoir, sous peine de faire déchoir quelque chose de l’humain fondamental.
Non à la pensée par procuration
Nous disons enfin que les Africains ont la capacité de penser par eux-mêmes, aussi bien les problèmes qui les concernent que ceux de toute humanité. Nous déplorons et dénonçons le crime, venant du fond des âges, où l’on traitait nos frères et nos sœurs en marchandises et en « biens meubles » (Le Code Noir, Art. 44), et qui aujourd’hui consiste à s’acharner à penser pour nous, à parler pour nous, à faire à notre place sans doute parce qu’on ne nous croit pas en mesure de le faire par nous-mêmes. Peut-être dira-t-on que c’est à des Communicateurs Africains qu’habilement on confie la sale besogne de jouer aux pitres pour amuser le monde et rendre l’Afrique doublement pitoyable : non seulement matériellement mais aussi moralement. Mais il n’y a pas que ces Africains ignorants des structures anthropologiques les plus solides et des valeurs morales les plus sûres de l’Afrique qui soient à même de parler au nom du continent.
Nous, évêques de l’Eglise catholique de l’espace CERAO, nous exigeons qu’on cesse de penser pour nous, de pousser l’Afrique de la rue à parler au nom de l’Afrique et amuser la galerie aux dépens de nos peuples. Nous exigeons que pour parler de l’Afrique l’on respecte les valeurs essentielles, sans lesquelles l’homme n’est plus l’homme, et qui sont synthétisées dans la dignité de tout homme, créé à l’image de Dieu. Oui, à la suite du Concile Vatican II, nous réaffirmons que « sans le Créateur, la créature s’évanouit tout simplement ». Nous remercions le Saint-Père d’avoir fait du Dieu d’Amour et de la foi en lui la priorité des priorités pour notre temps. C’est bien l’illusion qu’il puisse y avoir une autre priorité, qui a créé la situation paradoxale et violente, où l’on prétend être responsable de nous, tout en mettant à sac ce que nous avons de plus vital : notre relation de foi, d’espérance et d’amour avec le Dieu vivant, Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, et notre vie morale.
Abidjan, le 27 mars 2009
+ Théodore Adrien Cardinal SARR
Président de la CERAO