quarta-feira, 4 de abril de 2012

Vous avez dit « surpopulation » ?- Interview de Mgr Michel Schooyans


Paris, novembre 2011


- Existe-t-il un "plan mondial" de réduction de la population ? Si oui, quel est-il?

De nombreux organismes internationaux, publics ou privés, coordonnent, financent et exécutent des programmes de contrôle de la population mondiale. C’est le cas du FNUAP, de l’OMS, de l’UNICEF, du PNUD et d’autres agences de l’ONU. C’est le cas aussi de nombreux organismes « privés », dont la puissante IPPF. N’importe qui peut surfer sur le web et trouver les rapports et publications de ces organisations. Parmi les idéologues de ces programmes « contrôlistes », on relève Henry Kissinger et son célèbre Memorandum de 1974, et Robert McNamara et son rapport sur Une politique démographique mondiale, publié par l’ONU en 1991.

- Peut-on aller jusqu'à parler "d'eugénisme mondial" Si oui, pourquoi ?

Tout dépend de ce qu’on entend par eugénisme. Une des formes les moins connues d’eugénisme, c’est l’eugénisme qui veut contrôler la transmission de la vie parmi les populations moins favorisées. C’était déjà ce que préconisait le pasteur anglican Malthus. Celui-ci estimait qu’il fallait laisser faire la nature, qui procède d’elle-même à l’élimination de ceux qui, selon lui, sont de trop et qui, pour ce motif, ne sont pas invités au « grand banquet de la nature ». Plus tard, un autre auteur, Galton, développera cette vision pessimiste de Malthus et affirmera la nécessité de développer la sélection médicalisée des moins aptes.

- Comment dès lors faire face aux risques de surpopulation ? Quelles alternatives crédibles ?

La question que vous me posez se présente un peu comme une pétition de principe. Vous semblez présupposer qu’il est acquis qu’il y a « surpopulation ». Or c’est justement ce qu’il faudrait démontrer et qui ne l’a jamais été. Personne n’est en mesure de fixer des limites à la créativité humaine. Il y a cinquante ans, l’Inde comptait quelque deux cents millions d’habitants et ne parvenait pas à les alimenter correctement. Aujourd’hui, l’Inde compte plus d’un milliard d’habitants et elle exporte des céréales parce qu’elle a accueilli la révolution verte, avec notamment le prix Nobel de la paix Norman Borlaug (1970). Deux points méritent d’être soulignés pour en finir avec le mythe de la surpopulation. D’abord la fécondité, c’est-à-dire le nombre d’enfants par femme, est en baisse partout dans le monde. Pour qu’une population se renouvelle, chaque femme devrait avoir au moins 2,1 enfants. Or sur les 210 pays répertoriés par l’ONU, plus d’un tiers ont un indice de fécondité inférieur à 2,1. Presque aucun pays européen n’atteint le seuil de 2,1. Les populations de l’Allemagne et de la Russie sont en train de s’effondrer. Le second point à souligner et qui n’est presque jamais pointé par les médias, c’est que la grande cause de la croissance de la population n’est pas à chercher dans la fécondité, qui est en baisse partout, mais dans l’augmentation, partout dans le monde, de l’espérance de vie. L’enfant qui naissait en 1900 avait une espérance de vie de moins de 25 ans. L’enfant qui naît aujourd’hui a une espérance de vie près de trois fois supérieure. Il occupe donc la terre trois fois plus longtemps que ceux qui l’ont précédé.

- Pensez-vous que la récente réunion du G20 à Cannes puisse aider les gens à ouvrir les yeux sur ces questions ?

Je constate que les pays européens ont une tendance marquée à refuser la vie. Ils ont en particulier tendance à récuser les évidences démographiques en ce qui concerne les pensions. Je constate également que la croissance prévue du PIB allemand pour l’an prochain est de l’ordre de 1%. En face, le même taux de croissance pour la Chine devrait être de 9%. L’Europe continue à être malthusienne et a peur des pauvres. Les pays exploités pendant des siècles prennent en main leur destin. Comme me l’écrivait Alfred Sauvy dans une lettre qu’il m’a adressée le 7 octobre 1974 : « En face, les peuples jeunes, je veux dire à population jeune sont bien mieux armés ; ils peuvent souffrir de diverses façons, de famine même, mais ils l’emporteront fatalement puisqu’ils misent sur la vie ».
Mgr Michel Schooyans
Professeur émérite de l’Université Catholique de Louvain
Membre de l’Académie Pontificale pour la Vie
Michel Schooyans a publié récemment Pour comprendre les évolutions démographiques, Paris, Éd. APRD, 131 pages. L’ouvrage, hors commerce, peut être commandé à l’ASBL Le Feu, rue Douffet, 43, à B-4020 Liège, Belgique. Dans Renaissance catholique, numéro 116, mars-avril 2011, p. 20, Jean-Pierre Maugendre a rendu compte de son autre ouvrage Les idoles de la modernité, Éditions Lethielleux, 282 pages, 22 €.