Paris, novembre 2011
- Existe-t-il un "plan mondial"
de réduction de la population ? Si oui, quel est-il?
De nombreux organismes internationaux, publics ou
privés, coordonnent, financent et exécutent des programmes de contrôle de la
population mondiale. C’est le cas du FNUAP, de l’OMS, de l’UNICEF, du PNUD et
d’autres agences de l’ONU. C’est le cas aussi de nombreux organismes
« privés », dont la puissante IPPF. N’importe qui peut surfer sur le
web et trouver les rapports et publications de ces organisations. Parmi les
idéologues de ces programmes « contrôlistes », on relève Henry
Kissinger et son célèbre Memorandum de
1974, et Robert McNamara et son rapport sur Une
politique démographique mondiale, publié par l’ONU en 1991.
- Peut-on aller jusqu'à parler
"d'eugénisme mondial" Si oui, pourquoi ?
Tout dépend de ce qu’on entend par eugénisme. Une des formes les moins
connues d’eugénisme, c’est l’eugénisme qui veut contrôler la transmission de la
vie parmi les populations moins favorisées. C’était déjà ce que préconisait le
pasteur anglican Malthus. Celui-ci estimait qu’il fallait laisser faire la
nature, qui procède d’elle-même à l’élimination de ceux qui, selon lui, sont de
trop et qui, pour ce motif, ne sont pas invités au « grand banquet de la
nature ». Plus tard, un autre auteur, Galton, développera cette vision
pessimiste de Malthus et affirmera la nécessité de développer la sélection médicalisée
des moins aptes.
- Comment dès lors faire face aux
risques de surpopulation ? Quelles alternatives crédibles ?
La question que vous me posez se présente
un peu comme une pétition de principe. Vous semblez présupposer qu’il est
acquis qu’il y a « surpopulation ». Or c’est justement ce qu’il
faudrait démontrer et qui ne l’a jamais été. Personne n’est en mesure de fixer
des limites à la créativité humaine. Il y a cinquante ans, l’Inde comptait
quelque deux cents millions d’habitants et ne parvenait pas à les alimenter
correctement. Aujourd’hui, l’Inde compte plus d’un milliard d’habitants et elle
exporte des céréales parce qu’elle a accueilli la révolution verte, avec
notamment le prix Nobel de la paix Norman Borlaug (1970). Deux points méritent
d’être soulignés pour en finir avec le mythe de la surpopulation. D’abord la
fécondité, c’est-à-dire le nombre d’enfants par femme, est en baisse partout
dans le monde. Pour qu’une population se renouvelle, chaque femme devrait avoir
au moins 2,1 enfants. Or sur les 210 pays répertoriés par l’ONU, plus d’un
tiers ont un indice de fécondité inférieur à 2,1. Presque aucun pays européen
n’atteint le seuil de 2,1. Les populations de l’Allemagne et de la Russie sont
en train de s’effondrer. Le second point à souligner et qui n’est presque
jamais pointé par les médias, c’est que la grande cause de la croissance de la
population n’est pas à chercher dans la fécondité, qui est en baisse partout,
mais dans l’augmentation, partout dans le monde, de l’espérance de vie.
L’enfant qui naissait en 1900 avait une espérance de vie de moins de 25 ans.
L’enfant qui naît aujourd’hui a une espérance de vie près de trois fois
supérieure. Il occupe donc la terre trois fois plus longtemps que ceux qui
l’ont précédé.
- Pensez-vous que la récente
réunion du G20 à Cannes puisse aider les gens à ouvrir les yeux sur ces
questions ?
Je constate que les pays européens ont
une tendance marquée à refuser la vie. Ils ont en particulier tendance à
récuser les évidences démographiques en ce qui concerne les pensions. Je
constate également que la croissance prévue du PIB allemand pour l’an prochain
est de l’ordre de 1%. En face, le même taux de croissance pour la Chine devrait
être de 9%. L’Europe continue à être malthusienne et a peur des pauvres. Les
pays exploités pendant des siècles prennent en main leur destin. Comme me
l’écrivait Alfred Sauvy dans une lettre qu’il m’a adressée le 7 octobre
1974 : « En face, les peuples jeunes, je veux dire à population jeune
sont bien mieux armés ; ils peuvent souffrir de diverses façons, de famine
même, mais ils l’emporteront fatalement puisqu’ils misent sur la vie ».
Mgr
Michel Schooyans
Professeur
émérite de l’Université Catholique de Louvain
Membre
de l’Académie Pontificale pour la Vie
Michel Schooyans a publié récemment Pour comprendre les évolutions
démographiques, Paris, Éd. APRD, 131 pages. L’ouvrage, hors commerce, peut
être commandé à l’ASBL Le Feu, rue Douffet, 43, à B-4020 Liège, Belgique. Dans Renaissance catholique, numéro 116,
mars-avril 2011, p. 20, Jean-Pierre Maugendre a rendu compte de son autre
ouvrage Les idoles de la modernité,
Éditions Lethielleux, 282 pages, 22 €.