In Lustiger, et al (2004) «Vous serez mes témoins – Paris Toussaint 2004»,
Paris
Paris
Congrès « Paris
– Toussaint 2004 »
«Les Sacrements de l’Évangélisation».
João César das Neves
Éminences
Mes pères
Sœurs et frères
Laissez moi vous parler de Jésus-Christ !
Je sais que ce n’est pas le moment. Pendant ce Congrès je devrais analyser
avec vous la dimension ecclésiale et sacramentelle de l’évangélisation. Mais
laissez moi vous parler de Jésus-Christ.
Je sais que je ne suis pas la personne. Il y a des tas de gens qui Le
connaissent beaucoup mieux que moi. Et Lui-même, Il entend tout ce que nous
disons. Mais laissez moi, quand même, vous parler de Jésus-Christ.
1- La vie du
Christ
Parce qu’Il est le seul sujet. Il est le seul thème qui existe. De quoi
peut-on parler, sinon de Lui ?
Après que les prophètes nous ont annoncé qu’Il viendrait, de quoi peut-on
parler, sinon de Lui ? Après
que les apôtres nous ont dit qu’Il était déjà venu, de quoi peut-on parler ? Quand les successeurs des
apôtres nous disent, ici et maintenant, qu’Il est venu, de quoi peut-on parler
sinon de Lui? Quand les saints nous Le montrent présent, ici maintenant, de
quoi peut-on parler, sinon de Lui ?
«Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle.»
(Jn 6, 68).
Le Christ est le seul thème sur quoi parler. Charles Péguy, qui pria ici
dans cette Cathédrale de Notre Dame de Paris, nous a dit que :
Les pas des légions
avaient marché pour lui.
Les voiles des
bateaux pour lui s’étaient gonflées.
Pour lui les soleils
d’automnes avaient lui.
Les voiles des
bateaux pour lui s’étaient pliées
(...)
Les pas de Darius avaient marché pour lui.
C’est lui qu’on attendait au fin fond de la Perse.
C’est lui qu’on attendait dans une âme disperse.
Il était le seigneur d‘hier et d’aujourd’hui.
(...)
Les règles d’Aristote avaient marché pour lui
Du cheval d’Alexandre aux règles scholastiques.
Et pour lui l’ascétisme et la règle avaient lui
Des règles d’Épicure aux règles monastiques.[1]
Tout dans le monde nous parle du Christ. Tout dans le monde marche pour le
Christ. Tout existe pour le Christ. Ceci doit être le premier élément de
l’évangélisation. Il l’a dit, Lui-même : «J'ai reçu tout pouvoir dans
le ciel et sur la terre : allez donc dans le monde entier, faites des
disciples parmi tous les peuples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit» (Mt 28, 18). La condition préalable de l’évangélisation est
que tout le pouvoir a été reçu par le Christ. Par sa résurrection glorieuse, le
monde appartient au Christ. Alors, l’évangélisation peut commencer.
Si tout le pouvoir est au Christ, ça veut dire que toutes les choses sont
sous sa puissance. Ça veut dire que chaque moment de notre vie est sous son
pouvoir. Nous le savons très bien. Même les choses qui semblent ne pas être
sous son pouvoir, elles le sont mystérieusement. Le Catéchisme de L’Église
Catholique l’explique très bien :
«Le témoignage de l’Écriture est unanime : la sollicitude de la
divine providence est concrète et immédiate, elle prend soin de tout, des
moindres petites choses jusqu’aux grands événements du monde et de l’histoire.
Avec force, les livres saints affirment la souveraineté absolue de Dieu dans le
cours des événements : " Notre Dieu, au ciel et sur la
terre, tout ce qui lui plaît, Il le fait " (Ps 115, 3) ; et
du Christ il est dit : " S’Il ouvre, nul ne fermera, et s’Il
ferme, nul n’ouvrira " (Ap 3, 7) ; " Il y a
beaucoup de pensées dans le cœur de l’homme, seul le dessein de Dieu se
réalisera " (Pr 19, 21). (…) Le témoignage des saints ne cesse de
confirmer cette vérité : Ainsi, S. Catherine de Sienne dit à
" ceux qui se scandalisent et se révoltent de ce qui leur
arrive " : " Tout procède de l’amour, tout est
ordonné au salut de l’homme, Dieu ne fait rien que dans ce but "[2]. Et S. Thomas More,
peu avant son martyre, console sa fille : " Rien ne
peut arriver que Dieu ne l’ait voulu. Or, tout ce qu’il veut, si mauvais que
cela puisse nous paraître, est cependant ce qu’il y a de meilleur pour
nous "[3]»[4].
Le Catéchisme est clair. Nous connaissons très bien cette doctrine. Mais
est-ce que nous le croyons vraiment touts les jours ? Est-ce que nous
croyons que Jésus-Christ est le Seigneur des marchés et des
embouteillages ? Nous savons que le Christ est le «Seigneur des armées»
(Ps 84 (83), 2; Is 1, 9), le «Seigneur des siècles» (Tb 13, 15), nous
savons qu’Il est le «Seigneur de nos pères» (Jdt 7, 28). Mais est-ce que
nous croyons qu’Il est aussi le Seigneur des satellites et des syndicats ?
Des jeux d’ordinateur et des cinémas ? Est-ce que nous savons qu’Il est le
Seigneur de la télévision et des autobus, le Seigneur des usines et des
portables ? Il est le Seigneur d‘hier et d’aujourd’hui.
C’est Lui, le Verbe de Dieu, qui nous parle dans chaque moment de notre
vie. C’est Lui, le Verbe de Dieu, qui est présent dans chaque présence qu’on
rencontre dans notre quotidien. De quoi peut-on parler, sinon de Lui ? C’est ça
l’évangélisation : parler de Jésus-Christ dans les marchés, les autobus,
les syndicats, les cinémas.
Le monde, tout le monde, est la manifestation du Christ. Le monde, tout le
monde, qu’il le sache ou pas, est la présence du Christ. Pour Lui avaient marché
les légions, même si elles ne Le connaissaient pas. Pour lui marchent les
cotations de la bourse et les décisions des ministres, même s’ils ne le savent
pas. Pour lui marchent les pas des ouvriers et les prix du pétrole. Il est le
Seigneur d‘hier et d’aujourd’hui.
«Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui
aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein.» (Rm 8, 28). C’est
pour ça que, parmi toutes les choses de notre vie, de quoi peut-on parler,
sinon de Lui ?
La vie du monde est le premier sacrement de l’évangélisation. Le monde et
tout dans notre vie nous parlent du Christ. Le Christ évangélise à travers le
monde. Le Christ nous évangélise par le monde. Les évènements de l’Histoire
sont le premier sacrement de l’évangélisation. Le monde, notre vie, l’Histoire
ne nous parlent que de Jésus-Christ. La vie du monde est le premier sacrement
de l’évangélisation. Le premier sacrement de l’évangélisation est le Baptême.
2- Le
bonheur du Christ
Mais que signifie parler de Jésus-Christ ? Quelle est la signification
de l’évangélisation ?
Parler de Jésus-Christ c’est parler de bonheur, c’est parler de joie, c’est
parler de paix. C’est ça le signe du Christ. Le vrai bonheur est le signe,
c’est le sacrement de la présence du Christ dans le monde. Le bonheur est le
signe de la présence du Christ en nous :
S. Augustin a dit : «Lorsque je vous cherche, vous, mon Dieu, c'est
le bonheur que je cherche. Je vous chercherai pour que vive mon âme. Car mon
corps vit de mon âme, et mon âme vit de vous (...) Loin de mon cœur, loin du
cœur de votre serviteur qui se confesse à vous, Seigneur, la pensée de trouver
le bonheur dans n'importe quelle joie! Car il est une joie qui n'est pas donnée
aux impies; mais à ceux qui vous servent d'une façon désintéressée: c'est vous
même qui êtes cette joie. C'est cela le bonheur! Se réjouir de vous, pour vous,
à cause de vous; c'est cela et il n'y en a point d'autre. Ceux qui se figurent
qu'il y en a une autre s'attachent a une joie qui n'est pas la vraie. Pourtant
il y a toujours une image de la joie dont leur volonté ne se détourne pas.»[5]
S. Augustin nous dit que le bonheur c’est se réjouir du Christ, pour le
Christ, à cause du Christ. C’est ça le bonheur. On ne peut pas parler du
Christ, on ne peut pas faire l’évangélisation sans porter avec soi le bonheur
et la joie du Christ. «Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en
mon amour, comme moi j'ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en
son amour. Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que
votre joie soit complète.» (Jn 15, 10-11). La joie c’est le signe de
l’apôtre.
Dieu, quand Il a voulu nous envoyer les commandements, Il l’a fait par
porteur. Mais quand Il est venu Lui-même, Il nous a apporté les Béatitudes. Le
bonheur, la béatitude, la joie, la paix sont les nouveautés de la Nouvelle
Alliance. Elles doivent être aussi les nouveautés de la Nouvelle Évangélisation. Parler de Jésus-Christ
c’est parler de bonheur. C’est le Christ qui nous fera voir le bonheur.
C’est seulement à cause de ça que « Malheur à moi si je n’annonce
pas l’Évangile » (1 Co 9, 16). Ce n’est pas un
châtiment. C’est seulement un oubli. Si je n’annonce pas l’Évangile, si
j’oublie de parler de Jésus-Christ, la joie n’est pas en moi. Si je ne parle
pas de Jésus-Christ, le bonheur n’est pas en moi. Si je ne parle pas de
Jésus-Christ je suis malheureux. Malheur à moi si je n’annonce pas
Jésus-Christ.
Quand j’oublie les Béatitudes, je suis malheureux. Le bonheur, le vrai
bonheur, le seul bonheur, c’est de parler de Jésus-Christ, c’est de parler avec
Jésus-Christ. C’est se réjouir en parlant du Christ, pour le Christ, à cause du
Christ. Parler de Jésus-Christ dans les marchés et dans les embouteillages.
Parler du Christ par les satellites et les syndicats. Parler du Christ c’est
être heureux. Parler du Christ c’est être vraiment heureux. C’est être heureux
dans les pas des ouvriers et dans les usines, dans les cinémas et la bourse.
Parler du Christ c’est être heureux parmi les décisions des ministres et les
jeux d’ordinateur.
Mais la paix vient du Christ, non du monde. On sait très bien que la paix
que les usines nous donnent, la paix des cinémas, des ordinateurs, des
ministres n’est pas la vraie paix. On sait que ce n’est pas dans la télévision
et les autobus qu’ont peut trouver la véritable joie. Il y a là une image de la
vraie joie, comme dit S. Augustin. Mais ceux qui se figurent qu'il y a une
autre en dehors du Christ, s'attachent a une joie qui n'est pas la vraie. Comme
dit S. Augustin.
Les ordinateurs et les syndicats, les marchés et les embouteillages ne
peuvent pas, par eux-mêmes, nous donner la joie. Les satellites et les usines
ne peuvent nous donner qu’une image du vrai bonheur. On sait que la joie du
monde n’est pas une vraie joie, sa paix n’est pas une vraie paix. Le monde et
l’Histoire n’ont pas la paix, n’ont pas la joie. Ils ne peuvent pas nous la
donner. Vues les souffrances de notre vie, nous savons très bien que nous ne
pouvons pas trouver le vrai bonheur dans le monde et l’Histoire. Sinon par le
Christ.
Nous, pauvres pécheurs, nous savons très bien combien de fois nous sommes
tombés dans ces fausses joies. On trouve partout des gens qui ont mis leur
espoir dans les usines et les politiques, dans les marchés et les jeux. Et ils
se trouvent perdus. On trouve des gens, qu’ils le sachent ou pas, qui n’ont pas
trouvé dans le monde le bonheur qu’ils y cherchaient.
Le vrai bonheur est dans la présence du Christ. Et le monde, tout le monde,
qu’il le sache ou pas, contient la présence du Christ. Mais cette présence ne
peut être révélée que par l’évangélisation. C’est par l’évangélisation qu’on
trouve ce qui donne la joie dans les marchés et les rues, parce que c’est par
l’évangélisation qu’on y trouve le Christ. C’est par l’évangélisation que le
monde trouve la vraie joie, le vrai bonheur qu’il a déjà dans l’image, comme
dit S. Augustin, mais qu’il ne connaît pas.
Quelle est la source par laquelle Jésus-Christ nous apporte la joie ?
Où est-ce que, plus que dans tout le reste, on peut trouver le Christ présent
dans le monde ?
Quand le monde voit le Christ, ce qui l’étonne le plus c’est la
miséricorde. «Qui est celui-ci, qui pardonne même les péchés?» (Lc 7,
49). C’est ça qui a étonné les pharisiens. C’est ça qui a attiré les disciples.
Pour nous, pauvres pécheurs, la seule source de bonheur est la miséricorde.
Pour nous, qui tant de fois sommes tombés dans les fausses joies, le seul
chemin pour la paix est la miséricorde. Pour nous, écrasés de péchés, la seule
source de joie est la miséricorde.
Nos péchés nous ont condamnés. Chacun de nous sait très bien que nos péchés
nous ont condamnés. Et quand ont regarde les usines et les autobus, les
ministres et les marchés, ont sait très bien qu’ils ne peuvent pas avoir de
paix, à cause des leurs terribles péchés. Ce dont nous avons besoin, ce dont
ils ont besoin c’est de la miséricorde. Seule la miséricorde libère des péchés.
Seule la miséricorde remit les pécheurs. Seule la miséricorde ouvre les portes
de la paix et de la joie. L’annonce de l’évangélisation doit être l’annonce de
la miséricorde. Ce n’est que comme ça que l’évangélisation peut être l’annonce
du bonheur, de la joie et de la paix.
Saint Thomas d’Aquin, qui pria ici dans cette Cathédrale de Notre Dame de
Paris, nous a appris que les effets intérieurs de la charité sont trois :
la joie, la paix et la miséricorde[6]. La charité, que le Christ
nous a apportée, nous donne la joie et la paix. Elle nous les donne à travers
la miséricorde, qui est aussi un effet de la charité. «Ses nombreux péchés
ont été pardonnés: car elle a beaucoup aimé.» (Lc 7, 47).
La joie est le deuxième sacrement de l’évangélisation. Pour faire
l’évangélisation ont doit avoir la joie des sauvés, ont doit avoir la paix du
Christ. Le bonheur d’être pardonné des péchés est le deuxième sacrement de l’évangélisation.
Le deuxième sacrement de l’évangélisation est la Pénitence.
3- Le Corps
du Christ
Le monde n’aime pas l’évangélisation. Le monde n’aime pas qu’on lui parle
du Christ. C’est vrai que le monde ne connaît pas le Christ. Mais, même ne Le
connaissant pas, le monde n’aime pas qu’on lui parle de Lui. Le monde ne
connaît pas le Christ parce qu’il n’entend pas l’évangélisation, il ne comprend
pas l’évangélisation. Et il ne l’entend pas parce qu’il n’aime pas
l’évangélisation.
Le monde cherche partout le bonheur, la joie, la paix. Mais il ne connaît
pas le Christ. Seulement le Christ pourrait lui donner ce qu’il cherche. Et le
monde n’aime pas Celui qu’il ne connaît pas. C’est ça la difficulté principale
de l’évangélisation.
On touche, maintenant, au mystère central de l’évangélisation. On est dans
le drame essentiel de l’évangélisation : «La lumière luit dans les
ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue. (…) Elle est venue chez les
siens, et les siens ne l'ont point reçue.» (Jn 1, 5 11). Voilà le terrible
obstacle de l’évangélisation.
Le monde, qui a en soit la présence du Christ, le monde qui cherche le
bonheur, la joie et la paix, qu’il ne peut avoir que dans le Christ, n’aime pas
l’évangélisation. Nous, on ne peut parler que du Christ. Mais le monde n’aime
pas qu’on lui parle du Christ. S’il L’avait connu, le monde ne pourrait que
l’aimer. Mais le monde, en ne connaissant pas le Christ, n’aime pas qu’on lui
parle du Christ. Le monde n’aime pas l’évangélisation.
Ce n’est pas le Verbe de Dieu que le monde n’aime pas. Le monde, en
général, n’a pas de problèmes avec les panthéismes, avec les mysticismes et les
spiritualismes. Le monde, dans ses marchés et usines, dans les décisions des
ministres et les prix du pétrole, n’a pas de problèmes avec les superstitions
ésotériques. Dieu, s’Il reste dans le Ciel et se limite à être Dieu lointain,
ne fait pas de problèmes au monde, Il ne crée pas de difficultés aux marchés et
aux ministres.
Ce n’est pas non plus la Tête du Christ que le monde n’aime pas. Tous, même
ceux qui attaquent la foi, on normalement du respect pour la Tête du Christ,
pour la personne de Jésus. Même les plus grands ennemis de l’Église affirment
admirer la vie, la doctrine, la personne de Jésus. On lit dans les livres des
impies de très belles paroles sur Jésus, sur son histoire, sur ses paraboles,
sur ses enseignements, sur son admirable sacrifice. S’Il n’est pas Dieu, s’Il
ne ressuscite pas, le monde a beaucoup d’admiration pour Jésus.
Le respect que le monde dit avoir pour Jésus suppose qu’Il ne dise jamais
qu’Il est Dieu. On aime beaucoup ses enseignements, mais seulement s’Il ne dit
pas que «moi et le Père, nous ne sommes qu'un.» (Jn 10, 30). Cette
petite partie de ses enseignements n’est pas tolérable. Mais pourvu qu’Il ne
dise pas que «avant qu'Abraham fût, je suis.» (Jn 10, 30), le monde est
très respectueux envers la Tête du Christ.
Ce n’est pas le Verbe de Dieu ni la Tête du Christ que le monde n’aime pas.
Ce qu’il n’aime pas c’est le Corps du Christ. Ce que le monde condamne c’est le
Corps que le Christ s’est choisi. Ce corps de chair et de sang que le Christ a
choisi pour Soi, c’est ça que le monde n’aime pas. Si le Christ était resté au
Ciel, si le Verbe n’avait pas choisi d’incarner dans un corps, le monde le
respecterait toujours.
Mais Il est venu ici-bas, dans la boue et la poussière. Il est venu ici,
dans les marchés et les usines. Si Dieu vient dans les marchés et les usines,
s’Il interfère dans les décisions des ministres et les syndicats, ça le monde
n’aime pas du tout. Ce que le monde n’aime pas en Dieu c’est qu’Il ait décidé
d’entrer dans le marché de la charpenterie. Le Verbe de Dieu a décidé de
travailler pendant des tas d’années dans une manufacture, et quelques-unes de
ces années au tant que travail d’enfant. C’est ça que le monde n’aime
pas : qu’Il se soit choisi un Corps. Ce que le monde n’aime pas c’est
l’Incarnation.
Le monde n’aime pas le corps que le Christ s’est choisi à Nazareth. Et,
surtout, le monde n’aime pas le corps qu’Il s’est choisi au Cénacle. Le corps
qu’Il s’est choisi à Nazareth et qui s’appelle Jésus mais, surtout, le corps
qu’Il S’est choisi au Cénacle, et qui s’appelle Église. C’est ça que le monde
n’aime pas.
On lit dans les livres des athées de très belles paroles sur Jésus. Mais on
y lit aussi les plus terribles accusations contre l’Église. Ce que le monde
n’aime pas du tout c’est la communauté des disciples que le Christ S’est
choisie comme son Corps. Ce Corps qui se réuni ici, dans cette cathédrale,
c’est ça que le monde n’aime pas du tout. Mais en attaquant l’Église, le monde
ne sait pas qu’il est en train d’attaquer le Christ, qu’il admire tant.
Jeanne d’Arc, qui a désirée si ardemment prier ici dans cette Cathédrale de
Notre Dame de Paris, nous a présenté ce mystère d’une forme radical. Dans son procès
est dit : «Il m’est avis que c’est tout un de Notre-Seigneur et de
l’Église et qu’on ne doit point faire de difficulté que ce ne soit tout un.»[7]
La Tête du Christ ne peut pas être séparée du Corps du Christ.
Notre-Seigneur et l’Église c’est tout un. S. Paul dit : «Vous êtes le
corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part.» (1Co 12,
27), «Il est la tête du corps de l'Église» (Col 1, 18) Le Christ total,
l’Eucharistie dans l’Église, c’est ça que le monde condamne, ce qu’il n’aime
pas. L’évangélisation, qui révèle la présence de Jésus-Christ dans le monde, ne
peut montrer autre chose que ce Christ total, l’Église qui garde l’Eucharistie.
Et c’est l’Eucharistie qui pousse l’Église vers l’évangélisation.
Le pape Jean Paul II, qui pria ici dans cette Cathédrale de Notre Dame de
Paris, l’a expliqué très bien dans son encyclique «Ecclesia de
Eucharistia» : «En s'unissant au Christ, le peuple de la nouvelle
Alliance, loin de se refermer sur lui-même, devient «sacrement» pour
l'humanité, signe et instrument du salut opéré par le Christ, lumière du monde
et sel de la terre (cf. Mt 5, 13-16) pour la rédemption de tous. La mission de
l'Église est en continuité avec celle du Christ: «De même que le Père m'a
envoyé, moi aussi, je vous envoie» (Jn 20, 21). C'est pourquoi, de la
perpétuation du sacrifice du Christ dans l'Eucharistie et de la communion à son
corps et à son sang, l'Église reçoit les forces spirituelles nécessaires à
l'accomplissement de sa mission. Ainsi, l'Eucharistie apparaît en même temps
comme la source et le sommet de toute l'évangélisation, puisque son but est la
communion de tous les hommes avec le Christ et en lui avec le Père et l'Esprit
Saint.»[8]
La communauté est le troisième sacrement de l’évangélisation. Le Corps du
Christ, présent visiblement dans le monde par l’Église qui porte l’Eucharistie,
est le troisième sacrement de l’évangélisation. Le troisième sacrement de
l’évangélisation est l’Eucharistie.
4- Le joug
du Christ
Mais qu’est-ce que le monde n’aime pas dans l’Église ? La haine du
monde pour l’Église est le principal obstacle à l’évangélisation. Mais d’où
vient cet obstacle ? Pourquoi le monde n’aime pas l’Église ?
La première raison pour laquelle le monde condamne l’Église c’est les
péchés de l’Église. Sur ça on est totalement d’accord avec le monde. La vie de
l’Église, ça veut dire l’évangélisation, est un effort constant pour éviter ces
péchés, minorer ces péchés, pleurer ces péchés, demander pardon à cause de ces
péchés. La sainte Église catholique est celle qui souffre le plus à cause de
ses propres péchés. Le Catéchisme explique très bien l’origine de ce
paradoxe :
«"Tandis que le Christ saint, innocent, sans tache, venu uniquement
pour expier les péchés du peuple, n’a pas connu le péché, l’Église, elle, qui
renferme des pécheurs dans son propre sein, est donc à la fois sainte et
appelée à se purifier, et poursuit constamment son effort de pénitence et de
renouvellement ". Tous les membres de l’Église, ses ministres y
compris, doivent se reconnaître pécheurs (cf. 1 Jn 1, 8-10). En tous, l’ivraie
du péché se trouve encore mêlée au bon grain de l’Évangile jusqu’à la fin des
temps (cf. Mt 13, 24-30). L’Église rassemble donc des pécheurs saisis par le
salut du Christ mais toujours en voie de sanctification :
L’Église est sainte tout en comprenant en son sein des pécheurs, parce
qu’elle n’a elle-même d’autre vie que celle de la grâce : c’est en vivant
de sa vie que ses membres se sanctifient ; c’est en se soustrayant à sa
vie qu’ils tombent dans les péchés et les désordres qui empêchent le
rayonnement de sa sainteté. C’est pourquoi elle souffre et fait pénitence pour
ces fautes, dont elle a le pouvoir de guérir ses enfants par le sang du Christ
et le don de l’Esprit Saint ».[9]
La deuxième raison pour laquelle le monde condamne l’Église est qu’il
n’aime pas la hiérarchie. Le monde a des tas de hiérarchies. Des hiérarchies
nationales, supranationales, régionales, communautaires, mondiales. Mais le
monde n’aime pas la hiérarchie de l’Église. Il n’aime pas qu’on aie un pape,
même quand il aime le pape. Le monde n’aime pas qu’on aie des cardinaux et des
évêques, des chanoines et des prêtres. Le monde n’aime pas le Vatican et
surtout, il n’aime pas la Curie Romaine.
Ceci dans l’évangélisation n’est pas un détail. On a subi deux cents ans de
guerres en Europe pour savoir si on devait obéir ou non au pape, si on devait
avoir ou non une hiérarchie. On peut même dire que dans les efforts pour
l’œcuménisme et pour l’unité des chrétiens ceci est le problème central, les
questions de doctrine étant résolues il y longtemps. Et sur ça on doit dire
qu’on est partiellement d’accord avec le monde. Même dans l’Église on entend
plusieurs fois des plaintes sur le cléricalisme. Presque toujours par des
clercs.
La racine de tout ça est très simple : s’il y a des choses que le
monde haït plus que toutes autres, c’est l’obéissance, l’humilité, la
mansuétude. Le monde ne voit pas de relation possible entre le bonheur et
l’obéissance. Le monde ne peut pas trouver de connexion envisageable entre la
joie et l’humilité, entre la paix et la mansuétude.
«Prenez mon joug sur vous et mettez-vous à mon école, car je suis doux
et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vous-mêmes. Oui,
mon joug est facile à porter et la charge que je vous impose est légère.»
(Mt 11, 29-30). Voilà une phrase qui, s’il y en a une, symbolise le centre de
l’évangélisation. Prendre le joug du Christ sur nous ! C’est ça être
évangélisé. Mais comment peut-on faire, si le monde n’aime pas l’obéissance,
même sous un joug facile et avec une charge légère ? Si le monde ignore
l’humilité et répudie la mansuétude ? C’est à cause de ça, plus que
d’autre chose, que le monde n’aime pas l’évangélisation.
Il y a une troisième raison pour condamner l’Église : l’injustice. Le
monde utilise, pour juger l’Église, des critères qu’il n’use pour aucun
d’autre. Si quelqu’un condamnait un peuple pour des choses qu’il aurait fait il
y a trois cents ou six cents ans, il serait un chauvin, un xénophobe, un
raciste. Mais c’est très courant d’attaquer l’action présente de l’Église en
invoquant l’Inquisition ou les Croisades. À ces prétextes anachroniques, qui en
plus ignorent ces siècles passés et usent des généralisations déformées,
s’ajoutent beaucoup d’autres. Le monde pense avoir de terribles accusations contre
l’Église, par lesquelles il prétend tant de fois justifier les agressions
contre l’œuvre sociale, éducative, culturelle, caritative unique de l’Église
dans notre temps, comme dans tous les siècles. Cette injustice a même justifiée
que «au terme du deuxième millénaire, l'Église est devenue à nouveau une
Église de martyrs»[10], comme l’a noté le pape
il y a déjà dix ans.
C’est pour ça que le Corps du Christ est, en notre temps une fois de plus,
condamné au tribunal. Le Corps du Christ se trouve, une fois de plus, flagellé
et couronné d’épines. Cette même couronne d’épines que S. Louis a reçu et qui
est vénérée dans cette Cathédrale de Notre Dame de Paris se trouve, une fois de
plus, aujourd'hui sur le Corps du Christ. On le charge, encore une fois, de la
Croix et il doit, une fois de plus, parcourir le Chemin de Croix. C’est ainsi
qu’on répète et que l’on complète les épreuves du Christ. (cf. Col 1, 24)
Mais ceci n’est pas une occasion de regret, de rancune, de peine. C’est une
cause de joie, de paix, de bonheur. «En ce moment je trouve ma joie dans les
souffrances que j’endure pour vous et je complète en ma chair ce qui manque aux
épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Eglise» (Col 1, 24).
Cette joie est une partie essentielle de l’évangélisation, parce qu’on ne
peut pas faire l’évangélisation que sur la Croix. On ne peut pas trouver la
vraie joie et la vraie paix sinon sur la Croix. «Heureux serez-vous quand
les hommes vous insulteront et vous persécuteront, lorsqu'ils répandront toutes
sortes de calomnies sur votre compte à cause de moi. Oui, réjouissez-vous alors
et soyez heureux, car une magnifique récompense vous attend dans les cieux. Car
vous serez ainsi comme les prophètes d'autrefois: eux aussi ont été persécutés
avant vous de la même manière.» (Mt 5, 11-12). «Pour ce qui me concerne,
loin de moi la pensée de me glorifier d'autre chose que de la Croix de notre
Seigneur Jésus Christ, par qui le monde est crucifié pour moi, comme je le suis
pour le monde!» (Ga 6, 14)
La Croix est le quatrième sacrement de l’évangélisation. La Croix, qui est
le sommet sublime de l’obéissance, de l’humilité et de la mansuétude, est le
quatrième sacrement de l’évangélisation. Dans ce monde qui n’aime pas l’Église,
qui ne supporte pas l’obéissance, la Croix est le signe le plus visible de
l’évangélisation. La Croix est le quatrième sacrement de l’évangélisation. La
gloire de la Croix palpable dans la splendeur de l’Ordre. La gloire de la Croix
visible dans l’éclat du Mariage.
5- La vie de
l’évangélisation
Comment faire l’évangélisation ? Que doit-on dire à ce monde qui
n’aime pas l’évangélisation ? Quels sont les moyens qu’on doit
utiliser ?
«Laissez moi vous parler de Jésus-Christ !» C’est ça qu’on doit dire au monde. «Laissez moi vous
parler de Jésus-Christ !» Il
n’y a pas d’autre sujet d’évangélisation, il n’y a pas d’autre chose à dire.
«S’il vous plait, laissez nous vous parler de Jésus-Christ. Nous n’avons plus
rien à vous dire. De quoi peut-on vous parler, sinon de Lui?»
Le reste, c’est une question de terrains. Les seules paraboles qui ont été
expliquées dans les Évangiles s’occupent précisément des terrains de
l’évangélisation. «Un semeur sortit pour semer...» mais seulement «celui
qui a reçu la semence dans la bonne terre, c'est celui qui entend la parole et
la comprend; il porte du fruit, et un grain en donne cent, un autre soixante,
un autre trente.» (Mt 13, 4 et 23). «Celui qui sème la bonne semence,
c'est le Fils de l'homme; le champ, c'est le monde; la bonne semence, ce sont
les fils du royaume; l'ivraie, ce sont les fils du malin; l'ennemi qui l'a
semée, c'est le diable; la moisson, c'est la fin du monde; les moissonneurs, ce
sont les anges.» (Mt 13, 37-39). Voilà l’eschatologie de l’évangélisation.
Mais voilà aussi la méthodologie de l’évangélisation.
Le monde est le terrain, le seul terrain de
l’évangélisation. Nos rues, nos usines, nos syndicats et cinémas, voilà les
terrains de l’évangélisation. Ce sont les problèmes du quotidien qui occupent
l’évangélisation. Les drames du monde contemporain sont les terrains de
l’évangélisation.
La vie est le premier sacrement de
l’évangélisation. Et aujourd’hui, c’est la défense de la vie humaine, dés sa
conception jusqu’à la mort naturelle, qui constitue un des thèmes capitaux de
l’évangélisation. Le pape Jean Paul II l’a présenté d’une forme cristalline
dans son encyclique Evangelium Vitae :
«Les racines de la contradiction qui apparaît entre l'affirmation
solennelle des droits de l'homme et leur négation tragique dans la pratique se
trouvent dans une conception de la liberté qui exalte de manière absolue
l'individu et ne le prépare pas à la solidarité, à l'accueil sans réserve ni au
service du prochain. S'il est vrai que, parfois, la suppression de la vie
naissante ou de la vie à son terme est aussi tributaire d'un sens mal compris
de l'altruisme ou de la pitié, on ne peut nier que cette culture de mort, dans
son ensemble, révèle une conception de la liberté totalement individualiste qui
finit par être la liberté des « plus forts » s'exerçant contre les faibles près
de succomber.»[11]. On doit dire avec le
pape que l’évangélisation aujourd’hui a le devoir solennel de confronter notre
«culture de mort».
La joie est le deuxième sacrement de
l’évangélisation. Dans le monde d’aujourd’hui la défense de la joie est
directement liée à la défense de la paix et à la défense de la famille. La
famille vivant dans la paix est la condition nécessaire à la joie de
l’humanité. Le pape a confié ces graves intentions au Rosaire de la Vierge
Marie : «Je recommande volontiers à l'efficacité de cette prière la
cause de la paix dans le monde et celle de la famille. (...) Prière pour la
paix, le Rosaire est aussi, depuis toujours, la prière de la famille et pour la
famille.» [12].
La guerre et les attaques à la famille, qui sont étroitement liés, représentent
les plus graves attentats actuels contre la joie. L’évangélisation doit les
confronter.
La communauté est le troisième sacrement de l’évangélisation. L’Église,
communauté des saints, se trouve menacée dans notre société, tout comme dans
les autres religions, par le laïcisme, qui s’érige en croyance totalitaire du
monde contemporain. Le laïcisme, apparemment, dit défendre les droit de
l’homme. Mais, comme l’a expliqué le pape : «En un sens, la source et
la synthèse de ces droits, c'est la liberté religieuse, entendue comme le droit
de vivre dans la vérité de sa foi et conformément à la dignité transcendante de
sa personne.»[13]. Cette dignité se trouve
aussi en cause par les abus contre la liberté d’éducation, elle aussi une proie
habituelle du centralisme de l’État. L’Église se voit, tant de fois, presque
seule à confronter le pouvoir de la société démocratique dans la défense des
droits fondamentaux. Ces libertés sont en conséquence un terrain essentiel pour
l’évangélisation.
La Croix est le quatrième sacrement de l’évangélisation. Dans cette Europe
qui est le continent de la confusion culturelle, dans cette Europe qui est la
seule région qui à reniée ses racines de civilisation, l’évangélisation doit
s’occuper de l’identité intellectuelle elle-même. La présence de la Croix du
Christ en l’Europe n’est pas seulement une question de foi, c’est aussi une
question de personnalité. La Constitution de l‘Europe le montre clairement.
Elle le montre, comme le sépulcre vide, par l’absence.
Mais, comme l’a dit le Saint-père dans l’Exhortation Apostolique «Ecclesia
in Europa» : «En considérant l'Europe en tant que communauté de
citoyens, on ne manque pas de signes qui ouvrent à l'espérance; malgré les
contradictions de l'histoire, nous pouvons, avec un regard de foi, voir en eux
la présence de l'Esprit de Dieu qui renouvelle la face de la terre.»[14]
Ce sont ceux-ci les terrains de l’évangélisation. Les terrains qu’on trouve
dans les marchés et les autobus, mais aussi dans les paroisses et les couvents,
dans les séminaires et les chapitres, dans évêchés et les synodes.
Ceux-ci sont les terrains. Mais quelles sont les méthodes ? Comment
peut-on faire l’évangélisation dans nos rues et nos marchés ? Dans les
cinémas et la télévision ? Dans les cotations de la bourse et les décisions
des ministres ?
Si on demande ça à S. Thomas d’Aquin, on aura une surprise. Parce que dans
la Somme Théologique, S. Thomas ne parle jamais de «mission» ou «missionnaire»
dans le sens qu’on donne aujourd’hui à ces mots. Il parle beaucoup de mission,
mais pas de cette mission dont nous parlons. La mission de laquelle il parle
c’est la mission des personnes divines.
Saint Thomas parle d’une triple mission des personnes divines :
Premièrement, de la mission du Christ, envoyé dans ce monde pour le sauver. Ensuite
de la mission de l’Esprit Saint, qui est venu dans la «chambre haute» (Ac 1,
13), où nous avons reçu l’esprit missionnaire dans les «langues qu’on eût dites
de feu» (Ac 1, 13). Finalement de la mission qui est la présence de Dieu en
nous par la grâce sanctifiante.
Il explique : «On dit qu’une
Personne divine est «envoyée», en tant qu’elle existe en quelqu’un d’une
manière nouvelle; elle est «donnée», en tant qu’elle est possédée par
quelqu’un. Or ni l’un ni l’autre n’a lieu sinon en raison de la grâce
sanctifiante. Il y a en effect pour Dieu une manière commune d’exister en
toutes choses par son essence, sa puissance et sa présence; il y est ainsi
comme la cause dans les effects qui participent de sa bonté. Mais, au-dessus de
ce mode commun, il y a un mode spécial qui est propre à la créature
raisonnable : on dit que Dieu existe en celle-ci comme le connu dans le
connaissaint et l’aimé dans l’aimant. Et parce qu’en le connaissant et aimant,
la créature raisonnable atteint par son opération jusqu’à Dieu lui-même, on dit
que, par ce mode spécial, non seulement Dieu est dans la créature raisonnable,
mais encore qu’il habite en elle comme dans son temple. Ainsi donc, en dehors
de la grâce sanctifiante, il n’y a pas d’autre effect qui puisse être la raison
d’un nouveau mode de présence de la Personne divine dans la créature
raisonnable. Et c’est seulement en raison de la grâce sanctifiante qu’il y a
mission et procession temporelle de la Personne divine.» (Somme Théologique I 43, 3). «Par la grâce sanctifiante, c’est toute la Trinité qui habite l’âme,
selon qui est écrit en S. Jean (14, 23) “Nous viendrons à lui et nous
ferons en lui notre demeure”» (Somme Théologique I 43, 5)
L’évangélisation est toujours et seulement la
mission de Dieu. Il veut avoir besoin de nous, mais c’est Lui qui nous fait
l’annonce. C’est Lui qui est présent dans le monde, en toutes choses par son essence, sa puissance et sa présence, comme la
cause dans ses effets, qui participent de sa bonté. Mais pas l’évangélisation,
Il habite en nous comme dans son temple.
Dieu est le sujet, le seul sujet de
l’évangélisation. C’est Dieu qui est présent dans la vie du monde. La seule
description de toutes les occasions d’évangélisation est très simple : «Jésus traversait les villes et les villages, enseignant,
et faisant route vers Jérusalem.» (Lc 13, 22). Dans tous les cas c’est toujours
ceci qui se passe : Jésus traverse nos rues et nos usines, nos marchés et
nos satellites, enseignant, et faisant route vers Jérusalem.
Dieu est le sujet, le seul sujet de
l’évangélisation. Mais le monde ne voit que nous. Voilà le drame de
l’évangélisation. Le monde ne sait pas que nous sommes le Corps du Christ.
Mais, surtout, le monde ne sait pas que c’est toujours la Tête du Christ qui
fait mouvoir son Corps. L’évangélisation c’est toujours le Christ qui parle au
monde par notre moyen.
Ceci n’est pas une chose qu’on peut faire.
C’est une chose qu’on ne peut que demander. L’évangélisation est toujours
quelque chose qu’on demande. On doit la demander. On doit la demander à Notre
Dame.
Marie est le commencement, la source,
l’origine de l’évangélisation. Elle est l’aurore de la Rédemption. Elle est
aussi le sacrement initial, primitif, originel de l’évangélisation. Notre Dame
est, en elle-même, le cinquième et final sacrement de l’évangélisation.
C’est pour cela que toute évangélisation doit
commencer et finir par la prière. Prier à Notre Dame de Paris. Prier à Notre
Dame de Fatima. Prier à Notre Dame de partout : «Sainte Marie, Mère
de Dieu, priez pour nous pauvre pêcheurs, maintenant et à l'heure de notre
mort. Amen.»
[1] Péguy, Charles (1913) “Les Tapisseries d’Eve” in Oeuvres poétiques complètes,
Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 1957, p. 1080, 1085-1086
[2] Dial. 4, 138.
[3] Margarita Roper, Epistula ad Aliciam Alington
(mense augusti 1534).
[4] Catéchisme de L’Église Catholique nº 303, 313.
[5] S. Augustin Les Confessions, liv. X chap. xx, xxii)
[6] S. Thomas d’Aquin Somme Théologique, II-II, 28.
[7] Georges et Andrée
Duby (2000) Les procès de Jeanne d’Arc, Gallimard, p. 115.
[8] Jean-Paul II (2003) Encyclique Ecclesia de Eucharistia, nº 22.
[9] Catéchisme de L’Église Catholique nº 827.
[10] Jean-Paul II (1994) Lettre Apostolique Tertio Millennio Adveniente, nº 37.
[11] Jean-Paul II (1995) Encyclique Evangelium Vitae, nº 19.
[12] Jean-Paul II (2002) Lettre Apostolique Rosarium Virginis Mariae, nº
39 et 41.
[13] Jean-Paul II (2002) Encyclique Centesimus Annus, nº 47.
[14] Jean-Paul II (2003) Exhortation Apostolique Ecclesia in Europa, nº 39 et 41